actualites dominique bagouet l'oeuvre les carnets bagouet references
contact liens credits
indexplan du site
retour a la liste
association - mission - partenaires - transmissions -



 jours étranges /transmission

1993
jours étranges / intégrale


le trait d’union

« La venue de jours étranges à Paris constitue un événement multiple. Parce que cette pièce, atypique dans le parcours de Dominique Bagouet, charnière bouleversée, sorte de crise aiguë dans une œuvre présentant par ailleurs des moments policés, n’avait jamais été présentée à Paris, et qu’il y avait comme une absence à réparer pour le public parisien. Mais aussi, parce que le chorégraphe a quitté la scène depuis à présent onze mois, et que cette autre absence, cette cicatrice dans le monde de la création, a donné lieu à une naissance dont ces représentations sont le premier acte public.
De janvier à juillet derniers, l’équipe formée par Dominique Bagouet, danseurs, collaborateurs artistiques, accompagnateurs administratifs, s’est trouvée face à une responsabilité au sujet de laquelle le chorégraphe n’avait laissé aucune sorte d’indication : en premier lieu, décider d’honorer ou pas les engagements de tournées des pièces existantes, les sessions pédagogiques, l’ensemble de l’activité du Centre Chorégraphique. Dans le même temps, il s’agissait de se déterminer sur la prise en charge d’un héritage artistique : un répertoire et plus largement, un esprit de travail, la globalité de pensée que plusieurs générations de collaborateurs avaient partagée. Cette simple question : faut-il continuer à danser ce répertoire en l’absence de son auteur, en soulevait d’autres, éthiques, aussi bien que techniques : tenter de maintenir une compagnie en activité, sans la nourriture essentielle du créateur ? Laisser à jamais disparaître ce patrimoine ? Et comment assumer la responsabilité de cette œuvre, dans quelles conditions et dans quelles limites ?
Les décisions à prendre, en quelques mois, allaient du maintien des tournées engagées, à la réalisation de films sur les pièces qui n’avaient pas été encore enregistrées, et au remontage, pour les festivals d’été, de pièces importantes : le saut de l’ange à Montpellier, et jours étranges à Avignon. Mais l’une des décisions essentielles, au-delà des événements ponctuels, fut, presque immédiatement après la disparition du chorégraphe, de cesser l’activité de la compagnie après l’été 93, et de ne pas ériger à cette œuvre vivante un musée, sous forme d’une compagnie dansant perpétuellement des pièces dont elle se ferait le propriétaire exclusif.
La circulation des danses et de la pensée restait cependant une priorité, et tandis que la dernière équipe, rejointe par des compagnons de périodes antérieures, organisait cet été le parcours dans l’oeuvre de Dominique Bagouet le plus intense qui ait jamais été offert au public, elle mettait parallèlement en place un projet totalement inédit, celui des carnets bagouet.
En référence à ces feuillets que le chorégraphe noircissait de notes ou colorait de tracés savants, traces à la fois tangibles et mystérieuses d’une œuvre qu’ils ne sauraient contenir, les carnets bagouet sont donc nés en avril 93, de la décision des danseurs de faire partager à d’autres danseurs et d’autres compagnies le patrimoine dont ils se trouvent aujourd’hui  les dépositaires artistiques. La structure se veut ouverte, aussi perméable que possible à la diversité des questions qui se posent aussitôt que ce travail de transmission est abordé concrètement : comment transmettre, au-delà de la partition chorégraphique, un esprit de travail, comment rester fidèle sans geler dans une pensée conservatrice une danse qui, sous l’impulsion du chorégraphe, était perpétuellement remise en question, comment « passer » les rôles à d’autres corps, avec toute la liberté que donnait le chorégraphe, et sans pour autant le trahir…
Donner les pièces à d’autres compagnies, rassembler le fonds des archives Bagouet, afin que les traces qu’il a laissées soient accessibles, enseigner, transmettre, tel est donc l’essentiel des missions que se donnent les carnets bagouet, avec en outre la perspective de réunir de temps en temps l’équipe originelle pour remonter une pièce.
Les représentations de jours étranges, données comme  à Avignon dans la distribution d‘origine, mais cette fois organisées sous l’égide des carnets bagouet, sont donc un trait d’union entre la compagnie, dissoute depuis quelques semaines à peine, et ces carnets à qui elle a donné naissance : une autre forme de transmission, de la structure qui disparaît à celle qui prend son envol. Pour cette entreprise, périlleuse parce qu’elle ne connaît aucun antécédent, et que les danseurs qui en ont pris l’initiative s’engagent sur un territoire totalement vierge, le choix de jours étranges comme bâton de relais n’est pas le fait du hasard : sa création fut, dans le parcours de Dominique Bagouet, un de ses moments de rupture, pulvérisant les codes et les habitudes qu’il avait lui même établis, exigeant des danseurs qu’ils s’engagent avec lui, en aveugles, sur un chemin qui n’était pas encore tracé. »

isabelle ginot, programme du festival d’automne, novembre 1993
carre
  carre pixel carre pixzl carre  
carre carre carre
transmission creation carre
  retour haut de page