Juillet 90 : Daniel Girard, directeur de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon me raconte l'histoire de Boabdil, dernier émir arabo-andalou et souverain de Grenade qui à l'arrivée des rois catholiques, pour éviter le pillage et la destruction de la ville, préféra partir sans livrer bataille. Il me propose alors d'imaginer une forme de célébration de cet épisode légendaire de l'histoire de Grenade. D'abord conquis par l'idée de me frotter à une sorte de commentaire sur fond de musique arabo-andalouse de l'histoire de l'Alhambra, j'ai vite pris conscience que j'étais de plus en plus rebuté par la notion du respect des monuments du patrimoine artistique ou historique. Au contraire, je me suis rendu compte que c'est finalement l'absence de détails, de contexte historique précis et le côté B.D. du récit qui m'ont séduit autant que l'idéologie simple qu'il sous-tend. Je ne me sens pas l'envie de réaliser un hommage respectueux, voire déférent, au lieu et à sa légende, d'abord parce qu'ils n'en ont pas besoin mais aussi parce que ce serait trahir mes vrais désirs et ce que j'ai vu dans la cour Charles Quint à Grenade, le défilé des touristes par exemple et la cruauté dérisoire née du rapprochement passé/présent. Par contre, puisque cela m'est offert, j'ai bien envie d'être le complice de ces partenaires de quelques soirs, ces lieux, ces histoires, ces musiques.
M’amuser avec ma bande à nous souvenir notamment de nos petites mythologies d’Espagne et de Proche-Orient, à façonner nos propres délires sur la relation arabo-andalouse et évoquer aussi la douceur des cours, le plaisir et les jardins, l’autorité froide et de réputation sinistre de l’occidentale Eglise. Ne pas célébrer, mais jouer au sens noble du terme, au sens de « jeux » comme le sont les jeux d’eau, les feux d’artifice ou les mosaïques.
Les danseurs :
Une reine en extase, un roi catholique assailli par le doute, un émir qui pleure, une infante qui rêve, un torero poltron, une danseuse aux pieds nus, un touriste « fondamental », un gitan solitaire, une magicienne arabo-andalouse... Tous ces personnages et bien d’autres encore plus fugaces et pas nécessairement identifiables traversent de manière furtive Necesito.
Ces fantômes, nous les avons rencontrés ensemble, librement au fil des jours, quelquefois avec malice et souvent avec tendresse. Pour les évoquer, ni accessoires, ni costumes particuliers, simplement neuf interprètes, leurs sentiments communs et leur danse.
Dominique Bagouet, programme de la Compagnie Bagouet, juillet 1991
Générique
Dominique Bagouet
« Al-Ala » : Orchestre Al-Brihi de Fès, polyphonies : Grupo vocal Grega, « Curro duran » : Banda de Musica del Maestro Tejera, Groupe Gas gas gas : Marucha Castillo, Miss Sirène, Véronique Terrier, Sven Lava-Pohlhammer, Patrick Lemarchand, sur scène
« Nouba hijaz al kabir » de Ustad Massano Tazi ; « Nouba gharibat alhusayn » ; Polyphonies espagnoles de la Renaissance ; Curro duran ; Nana gitana de Lola Flores, Sven Lava-Pohlhammer, Luis Segura, Angel Vasquez, « Murmullo de lindaraja » de Laurent Gachet
Judith Chaperon, Dominique Fabrègue, Emmanuelle Fauvel
John Nollet
Sandrine Finck
26 juillet 1991
Villeneuve les Avignon, Cloître du Cimetière de la Chartreuse
19 octobre 1992
Montpellier, Théâtre de Grammont
Commande de Daniel Girard dans le cadre des Nuits du Languedoc, 18e Rencontres de la Chartreuse, programmation du Festival d'Avignon 1991 ; 2e version (1992) : suppression du trio « le hammam »
Hélène Baldini,Hélène Cathala,Rita Cioffi,Matthieu Doze, Olivia Grandville, Dominique Jegou,Sylvain Prunenec, Fabrice Ramalingom, Juan-Manuel Vicente
Priscilla Danton dans le rôle d’Hélène Baldini, Viviane Serry dans le rôle de Rita Cioffi
Catherine Legrand , dans le rôle d'Hélène Cathala
85'